Le Uhlan on the Web
No. 002 - Fête Nationale ? 27 mars 1897, centenaire de la naissance de Guillaume Ier
Guillaume II inaugure à Berlin, le monument national à la mémoire
de "l'Empereur Guillaume le Grand"............son "illustre-grand-père !"

par Maurice Leudet, extrait de :"Guillaume II intime" éd. J.Fuven Paris vers 1900


Les Allemands n'ont pas, à proprement parler, de fête nationale. Cependant, on peut donner ce titre aux cérémonies qui eurent lieu, au mois de mars 1897, pour le centenaire de Guillaume Ier, qui se fut proclamé Empereur allemand à Versailles en 1871, par les princes assemblés. La fête nationale, rappelant nos désastres de Sedan, est aujourd'hui - dans les grandes villes tout au moins quelque peu tombée en désuétude.

Or donc, le 22 mars de cette année, en présence de l'Empereur et de l'Impératrice, des souverains ou des représentants de tous les États allemands confédérés, le monument élevé à la mémoire de l'empereur Guillaume Ier a été inauguré, au milieu de salves de coups de canon et d'un enthousiasme populaire incroyable.

Ce jour-là, les rues centrales de Berlin menant au château royal avaient été fermées à la circulation par des cordons de police et d'infanterie, de sorte que les personnages officiels pouvaient facilement se livrer passage, ainsi que les milliers de privilégiés à qui il avait été donné d'assister à ce spectacle. C'est ainsi que la promenade de l'Unter den Linden était occupée par les troupes qui devaient défiler après la cérémonie devant Guillaume II et devant le monument de son grand-père.

le château royal de BerlinLe château est situé sur une île longue et étroite formée par les deux branches de la Sprée. Le côté ouest de l'édifice est parallèle à un de ces bras de fleuve, et en est séparé par la chaussée connue sous le nom de Schlossfreiheit. Entre la Schlossfreiheit et l'eau, il y avait. autrefois, une suite de vieux bâtiments dont le seul intérêt résidait dans le côté pittoresque qu'ils présentaient. Ces bâtiments-là furent achetés et démolis, il y a six ans, pour élever à cet endroit le monument de Guillaume Ier, dont, les dépenses seraient couvertes au moyen d'une grande loterie. Cet endroit n'avait pas été choisi sans donner lieu préalablement à des discussions et à des controverses politiques.

Déjà en mars 1888, quinze jours après la mort de Guillaume ler, la diète impériale avait résolu, à l'unanimité, qu'un monument devait être élevé à la mémoire du fondateur de l'Empire allemand. Une commission spéciale fut nommée, et un concours de projets fut arrêté auquel architectes et sculpteurs purent prendre part. Différents projets furent exposés, mais quoique plusieurs des auteurs fissent été payés très cher, aucun n'était d'accord avec l'empereur et ses conseillers sur la forme à donner au monument. Guillaume II, lui-même, exprima l'avis que la place de la Scholssfreiheit était des mieux choisies, mais il se déclara hostile à tous les plans d'architecture proposés.

Quelques projets consistaient à détruire complètement la Porte de Brandebourg et à reconstruire le grand square dans lequel elle conduit : le Pariser Platz. La diète impériale finit par décider que l'Empereur seul prendrait une détermination. Guillaume II choisit, comme emplacement, la Schlossfreiheit, et s'adressa au sculpteur Reinhold Begas pour l'exécution. Mais, quand il s'agit des voies et moyens, la diète, par esprit d'opposition, se montra économe. Au lieu de voter huit millions de marks pour le monument, elle ne consentit qu'à accorder la moitié quatre millions. Le gouvernement fut loin d'être satisfait de ce vote, mais le professeur Begas consentit à entreprendre les travaux dans les limites financières fixées.

memorial national de Guillaume Ier à Berlin Le professeur Begas a construit une double colonnade semi-circulaire. L'édifice tout entier est placé sur une plate-forme de grès et fortement soutenu par un mur de solide maçonnerie du côté de l'eau. Chaque extrémité de la colonne semi-circulaire est surmontée de chars triomphaux conduits par quatre coursiers en bronze. Dans chacun d'eux est placée une figure allégorique tenant un drapeau déployé et représentant, l'une l'Allemagne du Nord, l'autre l'Allemagne, du Sud. La colonnade est ornée de nombreux autres groupes et figures symboliques, dont quelques-uns représentent les royaumes constituant l'Empire allemand Prusse, la Bavière, la Saxe et le Wurtemberg. Les autres groupes symboliques représentent l'Art, la Science, l'Agriculture, l'Industrie et la Navigation. Cette colonnade de grès blanc était ce qui frappait le plus les yeux des spectateurs assemblés par milliers dans les tribunes élevées des deux côtés de la Porte Cosander le long de la façade ouest du château.

Contre la Porte Cosander même, avait été érigée une construction en bois, ayant un peu la forme d'un trône, avec des escaliers y conduisant et un magnifique baldaquin surmontant le tout. Les escaliers étaient tapissés d'étoffe rouge, et le baldaquin bordé de galons dorés. Ce dais était réservé à l'Impératrice, à l'impératrice Frédéric (fille de la reine Victoria d'Angleterre, elle était la mère de Guillaume II), aux princesses prussiennes, aux souverains allemands, etc. Sur la plate-forme du monument, on pouvait voir des centaines de députés des diètes impériale et prussienne, des groupes innombrables d'habits noirs, au milieu de brillants uniformes d'officiers. Tout au centre, la statue équestre de Guillaume Ier, encore voilée aux regards de la foule. Une douzaine de soldats étaient au pied de la statue prêts à la découvrir au premier signal.

parade du Rgt. de Grenadiers de la Garde Kaiser AlexanderPendant ce temps, l'Empereur, accompagné de ses aides de camp et du général von Winterfeld, commandant le corps des gardes, chevauchait le long de la ligne des troupes dans l'avenue des Unter den Linden jusqu'à la porte de Brandebourg, tandis que la musique jouait une marche militaire. Il s'arrêta devant le palais de son grand-père, où il entra pour faire sortir le corps des gardes et les autres régiments de l'armée allemande qui avaient été l'objet de faveurs spéciales du vieil empereur Guillaume Ier. Se mettant à la tête d'une compagnie de grenadiers de la garde, l'Empereur, revint au château et se plaça devant le dais royal, faisant face au monument. Les grenadiers, avec leur marche de parade saccadée, défilèrent devant lui et prirent leurs places à, droite de la statue, le jeune prince héritier et frère Eitel Fritz se tenant à leur rang de lieutenants de la compagnie.

Presque au même moment, l'Impératrice et l'impératrice Frédéric, avec d'autres personnages des maisons royales ou impériales, se montraient dans le pavillon impérial L'Empereur donna alors le commandement: Battez les tambours. Aussitôt les tambours résonnèrent et les trompettes jouèrent l'hymne favori de Guillaume II : "Wir treten zum Beten von Gott dem Gerechten", (Nous allons prier Dieu le Juste). Le pasteur luthérien Dr Faber prononça ensuite la prière de consécration du monument. A peine le discours terminé, l'Empereur sortit son épée fourreau et après avoir fait présenter les armes aux troupes. Il s'écria d'une voix forte : "Que le voile qui recouvre statue tombe". Et la statue apparut devant le public, tandis que Guillaume II saluait de l'épée et que tous, soldats et officiers, faisaient le salut militaire.

La statue, en bronze, représente Guillaume tel qu'il était de 70 à 80 ans. Il porte l'uniforme de général prussien coiffé du casque. Le cheval qu'il monté est conduit par un génie, sous la forme d'une belle Gretchen, portant dans sa main une branche de palmier.

Le piédestal est en bronze également, reposant sur bloc cruciforme de granit ; de chaque côté de ce bloc couché un magnifique lion. Devant et derrière le piédestal sont placés des écussons, sur lesquels sont inscrits mots : "A Guillaume le Grand, roi de Prusse, 1861-1888." "Reconnaissance et affection fidèle - le peuple allemand" A chaque coin, des figures allégoriques de la Victoire. Sur les côtés, on aperçoit deux scènes symboliques représentant la Guerre et la Paix. D'un côté, la Furie de la Guerre, représentée par un cheval de bataille galopant au milieu de la tempête et des éclairs, piétine dans sa course folle un champ de blé. Deux démons l'accompagnent, armés d'un glaive et d'un fouet. La Paix apparaît sous les traits d'une jeune fille, les cheveux au vent, descendant des montagnes dans la vallée. A ses côtés, marchent deux enfants, l'un une branche de palmier à la main, l'autre avec un panier de fleurs sur la tête, fleurs dont la Paix jonche la route.

La hauteur totale du monument est de soixante-cinq pieds et demi (22m), la statue équestre de l'Empereur mesure vingt-neuf pieds (10m).

Pendant un certain temps, après que le voile couvrant l'édifice eut été enlevé, l'Empereur resta immobile à cheval, dans la position du battaient aux champs, que les salut de l'épée, tandis que les tambours troupes faisaient entendre leurs acclamations et que les musiques milïtaires jouaient le Heil dir im Siegerkranz. En même temps, une salve de cent un coups de canon retentissait et toutes les cloches de la ville sonnaient. Les souverains allemands, les princes étrangers, dont le duc de Connaught, et des députations de régiments s'avançaient près du monument et y déposait de magnifiques couronnes. L'Impératrice et l'impératrice douairière Frédéric s'approchaient également et l'examtnaient sous toutes ses faces. La cérémonie se terminait par le choeur Lob dem Herrn (Louanges au Seigneur), joué par les trompettes,.

médaille du centenaire de Guillaume Ier 1897A ce moment, l'Empereur faisait demi-tour, et toutes les troupes, comprenant des détachements d'infanterie marine et de marins, se mettaient en marche. Tous les hommes portaient une médaille commémorative faite a le bronze des canons qui nous furent pris pendant l'An terrible.

Dans la soirée, un banquet au château réunissait les princes, les ambassadeurs étrangers, le chancelier de l'Empire et les ministres prussiens. Après le banquet, il y eut représentation de gala à l'Opéra, où on jouait une pièce du dramaturge favori de la cour, Ernest von Wildenbruch.

Cette pièce allégorique en quatre tableaux, ayant pour titre Willehalm, avait pour principaux rôles Willehalm: dans sa jeunesse, dans son âge mûr et dans sa vieillesses, l'Empereur qui est manifestement Napoléon Ier , Lutetia et des hommes de guerre allemands.

Les divisions des peuples allemands, entretenues par l'Empereur Napoléon, sont terminées par Willehalm -Guillaume Ier- dont l'oeuvre de Wildenbruch consacre l'apothéose. Dans la loge royale à la droite de l'Empereur, en grand uniforme, toujours solennel en ces occasions, et de l'Impératrice, se tenaient la princesse Frédéric-Léopold et le roi de Saxe; à sa gauche, le régent de Bavière, le prince Luitpold et le roi d Wurtemberg. Le duc de Connaught, le grand-duc Wladimir, le prince héritier de Suède, le prince héritier de Roumanie et d'autres hôtes illustres occupaient le second et le troisième rang de la loge royale.

Quant à la ville de Berlin, elle était illuminée tout entière en signe de joie; les souvenirs d'une guerre victorieuse: rapprochaient dans un même élan d'enthousiasme, tous les partis, depuis le centre jusqu'aux socialistes. Naturellement, au banquet, l'empereur Guillaume II, qui aime à paraître et….. à parler, a prononcé un discours, moins guerrier d'ailleurs qu'on ne s'y attendait en pareille circonstance. Toutefois, l'Empereur n'a pu s'empêcher de rappeler les malheurs de la royauté prussienne au temps des guerres napoléoniennes.

"Nous-pensons aujourd'hui, s'est-il écrié, à l'humilité de mon grand-père, à ses habitudes de simplicité et à son amour du devoir accompli, et n'oublions pas qu'il fut le fils de cette noble et respectable reine, la reine Louise, dont on a. dit, qu'elle apprit plus à l'école de l'humiliation qu'à celle du succès... "

Tant il est vrai que Guillaume II, Empereur d'un peuple uni par la victoire, ne perd pas une occasion de rappeler à ce peuple les défaites que lui infligea autrefois le grand Empereur français….. .


Page sommaire du Uhlan on the web
page mise à jour le 1/09/2000