No. 004 - Le Maréchal August von MACKENSEN ( 1849 - 1945 )
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par le colonel Bernard DRUENNE (1979) extrait de "Vivat Hussar", avec l'autorisation de l'Association des Amis du Musée International des Hussards - Tarbes tel/fax 33.(0)5.62.36.12.83
La vie du maréchal von Mackensen a couvert pratiquement un siècle. En effet, il a vécu 95 ans sous quatre régimes : né en Prusse en 1849 il est décédé en 1945 dans les ruines de l'Allemagne nazie. Il est le pur produit et le symbole du militaire prussien dont la fidélité jurée à son empereur a été constante. Ce long article (soyez assez courageux pour le lire en entier !) est réellement très intéressant par les commentaires annexes que l'auteur a développés.
Hussard jusqu'au dernier jour, telle pourrait être l'épitaphe du Général feldmarschall August von Mackensen, né le 6 décembre 1849, aîné des fils de Louis Mackensen, régisseur de domaines, et de sa femme Marie Louise née Rink, fille d'un garde des forêts. Louis descendait d'André né en 1628, d'où Hans et Henri Louis né en 1788 au royaume de Hanovre, décédé à l'âge de 94 ans élu capitaine d'une formation de Cavalerie volontaire hanovrienne pendant les guerres de l'indépendance. Il monta à cheval jusqu'à l'âge de 90 ans, eut deux fils, dont l'ainé Karl, propriétaire fermier fut anobli en 1888, et le cadet Louis demeurait roturier. Celui-ci est le père du futur Général feldmarschall. Il débute comme agronome et intendant de l'important domaine de la famille von Alken. Puis, ayant réalisé quelques économies, il acquit en 1887 le bien noble de Geglenfeld dans le district de Schlochau en Prusse. C'était le couronnement de la carrière d'un grand travailleur.
Le maréchal a raconté comment il grandit entre l'Elbe et Leipzig région où les souvenirs de la guerre de libération et des batailles de l'automne 1813 étaient encore très vivants dans la mémoire des habitants, et surtout des vétérans des guerres, comme son grand-père lui-même un ancien hussard survivant du passage de la Bérézina auquel il avait participé dans un régiment prussien de la Grande Armée.
Enfin, le père du jeune garçon fut un des premiers abonnés de la Gazette de la Croix, le plus royaliste des journaux prussiens, portant l'image de la croix de fer avec la devise 'avec Dieu pour le roi et la patrie'.
Pourtant, lorsqu'il exposera sa vocation juvénile de devenir officier, et officier de Hussards, son père marque son étonnement et ses réserves formelles. Il connaît les préjugés de caste que devra surmonter son fils, il sait aussi combien le service est dispendieux pour un jeune officier et ne peut songer à le soutenir convenablement au service.
En attendant, le jeune homme poursuit de bonnes études secondaires, puis de gestion agricole. Cela, c'était la dure réalité. Aussi lorsque à l'automne 1869, il est admis comme volontaire d'un an au 2me Leib Husaren Rgt. (Hussards du Corps, dits Hussards de la Mort, il écrit à ses parents : "je me trouve si à mon aise dans mon dolman noir, sous la tête de morts qui sont jusqu'à présent mes seules joies ici, qu'il me semble que je n'ai pas éprouvé de transformation. Tout me plaît, et je fais mon service volontiers et avec goût. .….. je ne suis pas soldat par contrainte, mais par goût".
Il commence à réaliser l'idéal qui sera le sien toute sa vie, mais, jeune homme pauvre, tandis qu'il sert avec zèle, il ne profite pas du privilège de son état pour prendre ses repas avec les officiers. Sans la guerre, cela eut sans doute nui à son admission dans le corps des officiers du régiment.
LA GUERRE DE 1870-1871
Mais
la guerre arrive. Le 2me Hussards, reçoit le 16 juillet 1870, l'ordre de mobilisation
; neuf jours après, le 24 juillet, il est complété, prêt à entrer en campagne
et destiné à former avec le 14me Régiment de Hussards (2me Hessois) la l0me
brigade de Cavalerie destinée à entrer avec les 8me et 9me dans la 4me division
de Cavalerie aux ordres du Prince Albert de Prusse, attachée à la IIIe armée
commandée par le prince héritier de Prusse, depuis empereur Frédéric III.
Le soir du 25 juillet, le régiment commence ses embarquements à Posen. Le voyage, aux cris de "à Paris", "à Eugènie" et aux chants de la Wacht am Rhein (la garde au Rhin) s'effectue sans incidents. Les Hussards débarquent à Landau le matin du 28, sont cantonnés aux environs, et le lendemain on leur lit. la proclamation rédigée, le 23 au nouveau Palais à Potsdam, par leur colonel la princesse héritière Victoria, fille de la reine d'Angleterre et femme du Chef de cette IIIe armée. "Un ennemi téméraire jaloux de notre bonheur et de notre gloire menace les frontières allemandes. A l'appel de sa majesté le roi, tout le peuple se lève contre l'ennemi héréditaire de notre pays. Le cœur ému mais rempli de joyeuse assurance, je prends congé de mon brave régiment qu'accompagnent mes voeux les plus fidèles. Je le sais, il fera son devoir toujours et en tous lieux pour ajouter de nouveaux lauriers à son ancienne gloire. En avant donc avec Dieu pour notre roi et la patrie allemande".
Le premier escadron est envoyé aux avant-postes sur la frontière française. Mackensen compte au 4e escadron, le capitaine Ludendorff (l'oncle du Quartier-maître général de 14/18).
Le 4 août, la division est réunie, passée en revue pour la première fois par son chef et se met en marche vers Oberotterbach avec le 2me Hussards à l'avant-garde, sans prendre part à la bataille de Wissembourg qui se livre à quelques kilomètres.
Le 5 août, Mackensen va recevoir le baptême du feu. Pour reprendre avec les Français, le contact perdu la veille, le régiment en selle depuis 4 h, franchit les avant-postes de l'infanterie vers 5 heures pour rechercher la position de l'ennemi. Mackensen est vers midi chef de la pointe d'avant-garde qui pénètre dans Woerth au pied des hauteurs qui dominent la Sauer, rivière coupant la petite ville en deux. Le pont était rompu, les madriers retirés, employés à une barricade, le cours d'eau encaissé dans des digues infranchissables, les volets des maisons fermés ; une barricade barrait la rue principale, tout était silencieux ; les poutres maîtresses du pont étaient encore en place, et le jeune volontaire décida de mettre pied-à-terre avec un hussard, et de pénétrer dans la ville en passant sur les poutres. A peine eut-il mis pied-à-terre qu'il vit un zouave paraître sur la barricade. Il remonta à cheval sous les balles parties de la barricade et des fenêtres soudain ouvertes. Un cheval est mortellement frappé. Un hussard blessé légèrement, un autre démonté, entraîné par deux camarades, et la patrouille se rassemble à l'abri au premier croisement. Quatre coups de canon tirés des hauteurs d'Elsashausen confirment la présence de forces importantes. Le but de la reconnaissance était atteint. Le lendemain 5 août, le régiment ne fut pas engagé et la division perdit le contact avec l'armée de Mac Mahon en retraite. Cette petite escarmouche mit en valeur le jeune chef de patrouille audacieux et heureux.
La
division n'aura pas l'occasion d'engager autre chose que des patrouilles dans
la chasse à l'armée française qui aboutit à la capitulation de Sedan. 110 000
hommes ont été tués, blessés ou pris. Napoléon III dans sa grande voiture attelée
en poste, escortée par les hussards noirs et ensuite par des cuirassiers, traverse
les bivouacs du vainqueur, en route pour Cassel où il va être interné dans le
château autrefois occupé par son oncle Jérôme, éphémère roi de Westphalie, et
où, terrible épreuve, il trouve pour l'accueillir un portrait en pied de sa
mère la reine Hortense.
Sans désemparer, l'armée allemande marche sur Paris sans rencontrer de résistance. La Garde, les 2me, 3me, 4me et 6me corps français sont enfermés dans Metz. Les ler, 5me, 7me et 12me ont mis bas les armes à Sedan. Le corps de Vinoy se hâte de rentrer dans Paris. Il reste en province des armées formées des régiments de marche tirés des dépôts, des régiments mobiles, mal vêtus, mal équipés, plus ou moins bien armés et qui n'ont pas un mois de service, sous une majorité d'officiers et sous-officiers, aussi novices qu'eux. Ces armées essaient de continuer la lutte.
La division du prince Albert de Prusse descend sur Orléans, aux environs de Tours. Le 5 octobre Mackensen promu Vize-Wachtmeister (adjudant dans la cavalerie) a l'occasion de se distinguer au cours d'un engagement où, sous le feu, il se tenait près de son capitaine. L'ordre arrive d'envoyer une patrouille sur les arrières de l'ennemi pour reconnaître sa force. Le capitaine commande : 'Les volontaires pour une patrouille périlleuse, sortez'. Mackensen s'avance aussitôt, suivi par 16 hussards, et il en choisit quatre autres.
Ses officiers viennent lui serrer la main, et il confie à l'un d'eux la mission de prévenir sa mère s'il ne revient pas. Décrivant un large arc de cercle autour du flanc ennemi, il passe sur ses arrières et peut observer toutes ses formations et leur force. Rentré sans pertes, il vint rendre compte à son Général de brigade qui le connaissait déjà pour des missions analogues, puis au chef d'Etat-major et au Prince Général de la division. Celui-ci invite à sa table le jeune sous-officier, fait plus ample connaissance, lui conseille vivement de persuader son père le laisser dans l'armée, et le propose au roi pour la croix de fer de deuxième classe.
Mackensen prend part au combat d'Artenay et à la bataille d'Orléans des 2, 3 et 4 décembre. Le 3 il est promu second lieutenant; il a surpris un convoi, pris 87 hommes et des voitures de ravitaillement. Ensuite, il passe comme officier d'ordonnance à l'état-major de la division d'où il peut s'initier à la conduite d'une grande unité de cavalerie.
LA DEMOBILISATION
Démobilisé malgré lui, pour obéir à son père, le jeune lieutenant entre à la fin de 1871 à l'institut agronomique dépendant de l'Université de Halle. En dehors de cette spécialité, il suit les leçons de Gustave Droysen sur l'histoire militaire et bénéficie d'une initiation aux méthodes de l'enseignement supérieur déniée aux officiers venus des écoles de cadets ou de l'enseignement secondaire. Il ne se résigne pas et écrit à sa mère : "C'est seulement la passion et la conviction que l'état militaire est ma vocation, qui me pousse ma chère maman à cette ultime et décisive tentative". Mère et fils finissent par obtenir le consentement du père pour son retour à l'armée.
DEBUT DE CARRIERE
Mackensen
est nommé, le 13 mai 1873, second lieutenant au 2me Leib-Husar avec ancienneté
du 3 décembre 1870. Il devait se contenter d'une très petite pension paternelle.
Ce n'était pas le côté frivole et mondain de la vie militaire qui l'attirait,
mais la théorie et la pratique du métier auquel il se donne corps et âme, en
paix comme en guerre.
Remarqué au cours des manœuvres impériales de 1875, par le chef d'état-major
du Vème corps, celui-ci le fait participer à un voyage d'état-major, approuve
sa solution d'un thème tactique et sa rédaction de l'histoire du 2me Hussards
pendant la guerre franco-allemande.
Ce travail choisi par Moltke pour être publié fut apprécié aussi par le colonel depuis général Pierson, qui en choisit un extrait pour ses méthodes de guerre actuelle à la fin du XIXme siècle. Mackensen se fait aussi bien juger à l'état-major de sa brigade, et le 9 juillet 1876 devient premier lieutenant. Il s'est fait initier par un officier d'état-major du ler corps d'armée au service de l'état-major général, aux solutions des thèmes proposés par Moltke aux officiers de cet E.M. depuis 1858, et à ses critiques diffusées et imprimées beaucoup plus tard. Aussi, sans passer par la Kriegs Academie, Mackensen est nommé stagiaire au Grand Etat-major. Il est affecté à la section chargée d'étudier les armées et les théâtres d'opérations Russes, Nordiques, Balkaniques et d'Extrême Orient.
Ici aussi il mérite l'estime de Moltke qui lui promet de le titulariser à la première vacance, et garde Mackensen jusqu'en février 1884, où il est nommé à l'E.M. du VIIme corps à Mûnster. A son grand regret, il passe pour un an seulement, son temps de commandement de troupe à la tète d'un escadron du 9me dragons à Metz. Promu major (commandant) le 15 octobre 1888, il va à l'Etat Major de la 4me division à Bromberg sous trois généraux dont le dernier von Albedyl familier de l'Empereur est très influent auprès de lui.
LA FAMILLE
Dans une société militaire comme le monde prussien, réglé par les hiérarchies de la naissance, du grade et de la fonction plus que par celles de l'argent (le fils du banquier Bleichröder fut rejeté par le corps d'officiers d'un régiment de la garde contre la volonté connue de l'empereur), Mackensen malgré ses origines modestes s'est avantageusement signalé par sa brillante carrière et par son mariage, le 21 novembre 1879, avec la fille d'un haut magistrat, premier président de la province de Prusse, Mademoiselle Dorothée von Horn, sœur du lieutenant von Horn, tombé pendant la campagne de France et camarade de régiment du futur maréchal.
Cette alliance brillante achevait de classer socialement le jeune officier. Issu de la bourgeoisie laborieuse et austère de province où les agronomes côtoient les professions libérales, Mackensen joint à une solide éducation de base de fortes qualités morales. Il prend aisément les usages et les manières des 'Stablers', les officiers du Grand Etat major qui paraissent à la cour, se lient naturellement avec la haute administration où il a choisi sa femme, et forment entre eux dans le monde militaire une caste dans la caste. Les épouses des grands chefs qui donnent le ton, conservent la tradition d'austère élégance du 'chic de Potsdam'. Beaucoup de ces dames savent concilier leurs bourses souvent modestes avec leurs devoirs de femmes du monde et de maîtresses de maison, mettant la main à la pâte comme ils nous sont montrés dans le roman 'Le Baron de Heidestam', par les caricaturistes du Simplicissimus ou des Fliegende-Blätters, ou Madame Ludendorff, fille d'un riche commerçant israélite dans ses mémoires.
Le ménage Mackensen eut trois garçons et deux filles (voir note1). Deux des garçons choisirent l'armée. Eberhard y resta, mais Georges passa dans la diplomatie et Manfred dans l'administration. La fille aînée mourut et la dernière née en 1897, se consacra aux bonnes œuvres. Leur mère mourut à Dantzig le 4 décembre 1905, et le général épousa en secondes noces Léonie, fille du comte von der Osten, appartenant à la première noblesse.
Le père du maréchal acheta en Prusse le domaine de Geglenfeld près de Hamerstein et mourut le 11 mai 1890. Sa femme âgée alors de 64 ans prit la direction du domaine et la conserva jusqu'à sa mort, le 7 mai 1916. La mère et le fils entretinrent jusqu'à la fin une affectueuse et franche correspondance, marquée des meilleurs sentiments. Celui-ci a écrit : 'Pendant la campagne de 1870/71, je m'étais senti protégé par les prières de ma mère comme par une cuirasse', et comme après avoir reçu le bâton de Maréchal, il put aller embrasser sa mère, elle l'accueillit par ces simples mots : 'Mein Liebes Kind' (mon cher enfant), et lui de commenter : 'Ces trois mots représentent pour moi, comme ils furent prononcés, la sanction de toute ma vie. Ils me conduisirent au plus haut sommet de mon destin et de mon bonheur …………... Mon cher enfant ! Un Feld maréchal né hors des familles princières, s'est-il jamais entendu saluer et nommer ainsi ?'
LA CARRIERE AU SERVICE DE L'EMPEREUR
Le 21 février 1891, le jeune major est appelé à l'emploi de premier aide de Camp du chef de l'Etat Major général de l'armée, le comte Schlieffen qui vient de succéder au Comte von Waldersee. Pendant deux ans et demi, Mackensen est associé aux activités de cet infatigable travailleur, à l'époque où, au cours de voyages d'état-major, de Kriegspiels, de plans de mobilisations successifs il mûrit les ébauches de ce qui sera le plan Schlieffen. Les allemands pensent qu'il leur aurait donné la victoire en 1914, s'il avait été convenablement appliqué. Cette collaboration durable et appréciée suppose chez l'aide de camp des qualités et une capacité de travail peu commune pour s'accorder à l'exceptionnelle activité d'un chef hors série qu'il vénère et admire. On disait couramment en Allemagne que la fonction du Chef du G.E.M. était la plus chargée de responsabilités de I'Europe, et l'avenir montra qu'il en était bien ainsi. La décision de Schlieffen d'entrer en Belgique fut prise en dehors de l'avis du chancelier, disent Bulow et Bethmann Holweg, mais sans doute avec l'assentiment de l'Empereur qui ne pouvait l'ignorer. Cette décision entraîna l'entrée en guerre de l'Angleterre, sans procurer la victoire à l'armée du Kaiser.
Aux manœuvres de 1891, le premier aide de camp eut l'occasion
de faire devant l'empereur un exposé apprécié sur la bataille de Langensalza,
contre l'armée Hanovrienne, le 27 juin 1866.
Le 17 juin 1893, après 24 ans de service et à 45 ans d'âge Mackensen se voit
confier le ler Hussards du corps (Leib Husar Rgt.); le 27 janvier 1894 il est
promu lieutenant-colonel et commandant du régiment dont l'Empereur est Colonel
propriétaire, corps d'élite aux traditions et recrutement prestigieux que le
jeune Kommandeur, heureux de retrouver l'uniforme de sa jeunesse conduit d'une
main vigoureuse à un haut degré d'instruction et d'efficacité.
Le 12 septembre 1895, il est nommé aide de camp du chef du régiment -l'empereur)
- et le 22 mars 1897 colonel.
Au
début de 1898, Guillaume II l'appelle auprès de lui comme aide de camp de service
et il quitte à regret le régiment, la Caserne construite sous ses yeux, le mess
des officiers décoré sous sa direction de peintures et de souvenirs qui en faisaient
un véritable Musée. Enfin il quitte sa vie de chef de Corps à Dantzig, pour
le service personnel du souverain et la vie de cour à Berlin. L'année suivante
il reçoit la noblesse héréditaire avec les armes et la devise qu'il se choisit
"Memini initiie" (souviens-toi des commencements). A l'inverse de Frédéric II,
soucieux d'écarter des cadres 'tout ce qui tenait à la roture' sauf dans l'artillerie
et les hussards, les empereurs au XIXe et au XXe siècle anoblissent. leurs serviteurs
d'humble origine, les plus distingués.
Sous le général von Plessen, adjudant général et. pratiquement chef du cabinet militaire du souverain, Mackensen s'initie à ses nouvelles responsabilités, et pour prendre au plus haut niveau une vue exceptionnelle de la situation militaire, politique, économique et culturelle de l'Allemagne, comme de ses relations extérieures. Il s'informe aux meilleures sources de l'état militaire et de la situation des grandes puissances.
Il va conserver à l'empereur une reconnaissance et une fidélité à l'épreuve des futures catastrophes, exercer son action personnelle pour renforcer l'armée, et surtout promouvoir l'esprit militaire prussien et le patriotisme allemand.
De même le Maréchal témoigne de son profond attachement à l'impératrice pour ses qualités (?????) comme pour la bienveillance qu'elle a témoignée à lui et à sa famille. Par l'ambiance exceptionnelle de trois ans et demi de service auprès du souverain, le maréchal a achevé une formation qui le prépare pour les plus hautes charges et responsabilités.
En septembre 1901, Mackensen reprend un commandement, celui de la brigade des Leib Husar qui réunit les ler et 2me Rgts, et revient à Dantzig. Deux ans plus tard, il est nommé, toujours à Dantzig, à la tête de la 36me division, et en même temps Général-adjudant de l'empereur. Le 27 janvier 1908, il est promu général de la cavalerie - les généraux de corps d'armée sont différenciés par leur arme d'origine et le 27 mai placé 'à la suite' (en Français sur les rangs-listes) du ler Hussards, c'est-à-dire autorisé à en porter l'uniforme qu'il conservera toute sa vie avec les distinctives des divers grades de Général puis de Maréchal.
Toujours à Dantzig, il prend le commandement de son corps d'armée, le XVIIme qui, avec celui de Koenigsberg et ceux de la frontière française, passe pour un des meilleurs de l'armée. On pouvait compter sur le nouveau chef de corps pour maintenir la tradition.
L'empereur va lui donner une marque particulière de confiance.
Le chancelier von Bulow disait que Guillaume II avait la maturité politique d'un sous-lieutenant et à ce compte son fils, le Kronprinz, aurait eu celle d'un cadet. A Berlin, il multipliait les incartades, sentimentales et politiques voyantes. Excédé de ces frasques son père décida de l'éloigner de la capitale et le nomma à la tête du ler Leib-Husar en garnison à Langfür près de Dantzig, sous la férule de Mackensen.
Le 15 septembre 1911, dans une grande prise d'armes, l'empereur et le commandant du corps d'armée assistèrent à la présentation du nouveau colonel, tous les trois dans l'uniforme du régiment. En quittant Mackensen l'empereur lui dit : 'je crains qu'il (le Kronprinz) ne nous prépare encore bien des surprises'. Il fut bon prophète. Sept ans jour pour jour avant la fuite en Hollande de Guillaume II, le jeune colonel, de la loge de la cour aux tribunes publiques du Reichtag, manifesta trop ostensiblement son soutien à un orateur de l'opposition conservatrice, critiquant la politique du chancelier Bethmann Hollweg et par-delà, Guillaume II dans l'affaire du Maroc. Cela dépassait la compétence du commandant du XVIIme corps d'armée, et l'affaire se régla entre le père, le fils et le chancelier.
Le nouveau colonel ne tarda pas à montrer son dépit et pour fronder son père donna la mesure de la hauteur de ses vues novatrices en portant la jugulaire de son Kolback pas tout à fait réglementaire, à l'anglaise, entre la lèvre inférieure et le menton au lieu de la mettre sous le menton. Enfin, à cheval, au lieu de placer ses jambes suivant le règlement, il les étendait sans plier le genou à la manière de certains jockeys d'obstacles. Cela irritait l'empereur et faisait jaser dans l'Europe inconsciente des proches cataclysmes.
Au surplus, comme le Kronprinz était bien secondé, que ses chefs directs à la brigade et à la division étaient vigilants, qu'en bon Hohenzollern c'était. tout de même un soldat et que Mackensen veillait au grain: le régiment fier de son chef ne se relâcha point de ses dures activités.
Après deux ans de commandement le prince rentra à Berlin, affecté à l'état major de l'armée, pour devenir en 1914, avec un excellent chef d'état-major, commandant de la 5e armée.
Depuis longtemps, l'Europe supportait de moins en moins la prépondérance allemande. L'amiral Fisher avait suggéré à Edouard VII de détruire la flotte allemande au mouillage, à Kiel, sans déclaration de guerre préalable, comme Nelson avait anéanti la flotte Danoise à Copenhague.
Le roi Edouard VII avait calmé ces ardeurs, mais, depuis longtemps, il menait la politique de résistance à l'hégémonie allemande qui aboutit à la situation diplomatique de l'Europe en juillet 1914.
Aux grandes manœuvres de septembre 1908, un très grand chef réputé pour son caractère, son originalité, ses connaissances et ses exigences, historien, théoricien et instructeur apprécié, réorganisateur de l'armée Turque, le maréchal Von der Goltz, décoré par le Sultan du titre de Pacha, va juger le commandant du XVIIe Corps d'Armée :
'……..Mackensen les conduisit bien. Il a de très grandes, vives et très belles qualités, une solide mémoire des localités, un regard clair et de bons yeux, de sorte que je pense qu'il sera capable d'actions importantes comme commandant d'armée…..'.
Le général étonne ses subordonnés par sa connaissance détaillée du territoire de son commandement comprenant la Prusse occidentale et une partie de la Poméranie, et non seulement des localités, mais des personnes grâce à une excellent mémoire des lieux et des gens, ce qui contribue grandement à sa popularité.
Toujours svelte et vigoureux, tous les jours il monte des heures à cheval pour inspecter des troupes, juger des manœuvres, chasser à courre. C'est du temps où on disait en Angleterre 'chasser à courre, trois fois par semaine est le meilleur entraînement pour un chef de cavalerie'.
La méthode allemande de sélectionner de bonne heure les futurs grands chefs les faisait arriver tôt aux grands commandements qu'ils pouvaient exercer assez long-temps avec l'activité de la force de l'âge, animer l'instruction, marquer profondé-ment leurs grandes unités, bien connaître leurs cadres, préparer la délicate et impitoyable élimination des tares et surtout les gens usés, paresseux ou médiocres. Epurations nécessaires dans une armée où l'ancienneté reste la règle pour le plus grand nombre. Les réforme, mise en disponibilité ou retrait d'emploi sont fréquents et redoutés.
LA GUERRE DE 1914-1918
Mackensen est à la tète du XVIIe corps depuis six ans et demi lorsque s'ouvre la guerre de 1914. Il mène deux divisions composées de huit régiments d'infanterie, un bataillon de chasseurs à pied, 3 régiments de Hussards, le 4e Rgt de chasseurs à cheval, deux brigades d'artillerie de campagne, l'artillerie à pied de corps d'armée renforcées de pionniers et du 17e détachement d'aviateurs de campagne. Ce corps appartient à la 8me armée du Général von Pritwitz und Gaffron, qui se concentre en Prusse Orientale.
Dès le 7 août Mackensen établit son Q.G. à Deutsch-Eylau puis à Darkehnem. Le commandant de l'armée vint le matin du 19 s'entretenir avec lui. L'armée russe de Rennenkampf venant du nord-est étant arrivée à bonne portées le commandant de l'armée ordonna l'offensive. Le 20 en fin d'après-midi, la gauche allemande sous le général von François, et la droite sous le général von Below avaient battu l'ennemi; mais au centre, Mackensen après avoir refoulé les éléments de tête russes s'était heurté à une résistance qu'il ne put surmonter.
La journée bien commencée change de signe dans l'après-midi.
L'attaque menée à fond sans une suffisante préparation d'artillerie se heurte
à un ennemi retranché et échoue sous le feu meurtrier de mousquèterie et de
l'artillerie russe. L'infanterie perd 200 officiers et 8900 hommes hors de combats
et 1000 prisonniers. Deux batteries témérairement poussées très en avant et
à découvert pour soutenir les fantassins sont anéanties et l'artillerie perd
13 officiers et 150 hommes. L'Etat-Major lui-même avec son parc d'autos et les
chevaux de son escorte est pris sous le feu de l'artillerie russe. Le sang-froid
du général qui gagne au pas de son cheval gris une autre hauteur ramène le calme
mais l'infanterie a perdu plus du tiers de ses effectifs en tués et blessés.
Les russes ramassent un millier de prisonniers mais se contentent de poursuivre
par le feu de leur artillerie les prussiens en retraite. Au soir de cette rude
journée Mackensen adresse aux troupes cet ordre du jour :
'La forte et enthousiaste volonté de vaincre a conduit le XVIIme corps armée
à un ardent combat. L'héroïque assaut des troupes et spécialement de l'infanterie
du corps d'armée s'est arrété devant la position fortement fortifiée des russes.
Cependant chaque soldat qui est allé au feu, peut emporter du champ de bataille
ce sentiment d'avoir fait son devoir jusqu'au bout. J'en rendrai compte à sa
Majesté l'Empereur et Roi. Je remercie aussi moi-même dès aujourd'hui tous les
officiers et hommes de troupe pour les preuves qu'ils ont données de l'esprit
offensif prussien; les nombreux camarades morts en héros pour le roi et la patrie
survivront parmi nous comme modèles de l'esprit militaire prussien. Quoi que
l'avenir puisse nous apporter; pour Sa Majesté l'empereur et roi : Hourra !'
Cet échec, les nouvelles parvenues au Q.G. de l'armée des mouvements de l'armée russe Samsonow qui passe, du Sud au Nord la frontières en arrière des allemands engagés face au Nord et contre l'armée du Niemen du Général Rennenkampf, font craindre au commandant de la VIIIme armée d'être pris en tenaille par des forces plus importantes que prévues. Pour secourir la France, le Grand duc Nicolas avait accéléré au maximum la mobilisation, la concentration et l'entrée en action des armées russes.
Sous ces impressions le général von Pritwitz avertit le Q.G. impérial de sa décision de ramener l'armée derrière la Vistule, la gauche vers Dantzig. Parvenue au G.Q.G. du Kaiser 1a nouvelle de cette défaillance, des incendies par les russes dans sa chère Prusse Orientale où il chassait si volontiers dans les grands domaines et qui est le berceau de la fine fleur de ses officiers, émurent l'empereur. Partageant l'optimisme né des combats heureux de la bataille des frontières, de l'échec anglais à Mons et de la retraite précipitée des armées françaises de gauche, le haut commandement prit une mesure aux conséquences décisives sur l'issue de la guerre. Malgré le dernier avis de Schlieffen: 'renforcez l'aile droite'. Deux corps d'armée furent retirés des armées de droite pour être expédiés en Prusse Orientale, avec Hindenburg flanqué de Ludendorff pour remplacer Pritwitz et son chef d'E.M. Le général Groener a écrit à propos de la responsabilité de cette décision: 'La recherche de la paternité est interdite' (en Français dans le texte), ce qui désigne clairement l'empereur, évidemment responsable avec Moltke,qu'il fallait tenir à l'abri de toute critique. Hindenburg, Ludendorff et les renforts arrivent le 23 après-midi. Après la relève de leur prédécésseur, le 22 août après-midi, le colonel Hoffmann avait préparé la manoeuvre qu'approuvèrent les nouveaux chefs et qui se solde par la victoire de Tannenberg d'abord, des Lacs Mazures ensuite, aboutissant à la destruction de l'armée Sanzonow et à la retraite de l'armée Rennenkampf.
Une extraordinaire imprudence des russes facilita la tâche du commandement allemand. Le général Hoffmann a écrit : 'Samzonow lança un ordre de poursuite à son armée. La station radio-télégraphique russe transmit l'ordre non chiffré et nous l'interceptâmes. Ce fut le premier d'une innombrable série d'ordres qui furent transmis du côté russe avec une incroyable légèreté .... Cette légèreté nous a beaucoup facilité 1a direction des opérations dans l'est. Dans bien des cas c'est grâce à elle seule que nous avons pu agir'.
Lorsque les russes chiffraient et même changeaient de clefs, elles étaient vite
décryptées par deux spécialistes 'qui montrèrent du génie'. C'était les débuts
de cette guerre des chiffres ou la machine supplée l'homme….. Au Q.G.
de VIIIe armée on attendait impatiemment les messages et leur traduction. Lorsqu'ils
se faisaient attendre Ludendorff ne cachait pas son impatience.
Malgré
d'énormes pertes, les russes se rétablissent et 1a guerre de tranchées s'installe
aussi sur le front oriental, tandis que les autrichiens sont durement accrochés.
Pour les dégager, le commandement allemand constitue une IXme armée confiée
à Mackensen qui pousse d'abord vers Varsovie mais qui à la fin d'octobre est
néé sur la Wartha. Au milieu de novembre, l'offensive de la IXe armée sur Lodz
tourne à une mêlée confuse qu'arrête l'épuisement des deux adversaires. L'année
suivante la IXme armée joue un rôle décisif dans la défaite russe sur le front
de Galicie, la reprise de Przmysl et de Lemberg, le recul général des armées
du tzar et la néfaste disgrâce du grand duc Nicolas. Après la prise de Lemberg,
le 22 juin 1915, Mackensen reçoit à son P.C. ces lignes de Guillaume II : "Pour
témoigner par là mon impériale gratitude et de ma plus haute reconnaissance
pour vous et les troupes placées sous votre commandement, je vous nomme Generalfeldmarschall.
Que le Dieu le maître des batailles continue à vous conduire sur le chemin de
la victoire'. Et tant sur le Bug qu'à la prise du grand camp retranche russe
de Brestlitowsk, le 26 août, la victoire sera fidèle au nouveau Maréchal. Le
16 septembre Mackensen est avisé de prendre le commandement du groupe d'armées
austro-allemand où entraient 9 divisions allemandes chargées, en liaison avec
les bulgares, de conquérir la Serbie, qui se défendait désespérément depuis
1914, au prix de grands de coûteuses victoires.
Pour le seconder dans cet important commandement qui s'étendra de l'Adriatique
à la Mer Noire, le Feldmarschall reçoit un chef d'État-Major de haute valeur,
le général-major von Seeckt, futur créateur de la nouvelle armée allemande après
1918.
Ayant choisi le camp de la triplice, Ferdinand de Bulgarie joignit au début d'octobre ses forces à celles des empires centraux pour attaquer la Serbie. Le 7 octobre elle est assaillie sur ses frontières de l'Est par les Bulgares et au Nord par les austro-allemands de Mackensen. Les troupes alliées retirées des Dardanelles ne peuvent aider les armées Serbes écrasées par des forces supérieures et dont 110 000 hommes seulement pourront s'embarquer à Saint-Jean-de-Medua pour Corfou où ils seront réorganisés pour reprendre la lutte au côté des alliés en 1916.
Mackensen est associé aux projets d'attaque du Camp retranché de Salonique et d'actions politiques en direction du roi de Grèce beau-frère du Kaiser et maréchal allemand. Tandis que l'armée d'Orient se renforces, les Bulgares prennent le fort de Rupel et capturent le 4me Corps d'Armée grec envoyé en captivité en Allemagne. Les alliés reprennent Florina, entrent à Monastir et atteignent l'Albanie où s'établit un corps d'armée italien.
Le 27 août, la Roumanie a déclaré la guerre à l'Autriche. Une armée allemande et une armée autrichienne se concentrent en Transylvanie; l'armée composite de Mackensen entre en action sur le Danube et en Dobrudja, le ler septembre. Le 19 septembre les deux armées de Transylvanie passent à l'attaque. Les Roumains mal secondés par les Russes pour diverses raisons avouables et inavouables abandonnent Bucarest et se replient sur la ligne des montagnes du Sereth à Glatz et sur le Danube, où le front se stabilise en janvier 1917. Mackensen exerce sur le pays un véritable proconsulats, rencontre le roi de Bulgarie, le sultan turc et son ministre de la guerre Enver Pacha à qui il passe comme mentor von Seekt lui-même, qui laissera de son nouveau chef un portrait cruel.
La Révolution Russe ruinant l'armée, la Roumanie abandonnée à ses seules forces et malgré la victoire de Maresesti qui sauve l'honneur fut obligée à la paix de Bucarest signée le 7 mai 1918.
Mackensen joint au commandement du groupe d'armée sud devenu l'armée d'occupation de Roumanie, le gouvernement militaire du pays dont il cherche à exploiter les ressources au profit des empires centraux.
LA DEFAITE DE 1918
Le 29 septembre 1918, à la suite des victoires des armées alliées d'Orient, la Bulgarie capitule, la Turquie signe un armistice à Moudros, le 30 octobre.
L'Allemagne s'effondre à son tour. Le 9 novembre Guillaume II se réfugie en Hollande. Le 11 novembre l'armistice de Rethondes entre en vigueur. Il prévoit la libération de la Roumanie et le retour des forces allemandes dans leur patrie.
Mais la Hongrie en pleine révolution arrêtait les transports allemands. Les négociations entamées depuis le 5 novembre avec le gouvernement roumain changent de ton. Le 10 à la nouvelle de la fuite du Kaiser les roumains manifestent leur joie descendent dans la rues chantent la Marseillaise. La situation est critique. Parti dans la nuit du 11 novembre le maréchal s'est porté à Hermannstadt chez les saxons de Transylvanie où il reçoit confirmation officielle de l'armistice et de sa mission de ramener l'armée en Allemagne.
Comme il s'attarde, car il veut éviter à ses hommes de devoir déposer les armes, et que le comte Karolyi chef du gouvernement hongrois est un interlocuteur intraitable, le maréchal est encore au château de Forth, 30 kilomètres au nord de Budapest à l'est du Danube, lorsque les spahis marocains entourent les bâtiments et le font prisonnier le 31 décembre 1918, avec son état-major réduit à 13 officiers, une centaine de sous-officiers et soldats, et 40 chevaux, petite troupe qui va se réduire rapidement……….
Le 11 septembre 1919, le maréchal arrive à Salonique dans une villa où on avait autrefois logé le sultan détrôné Abdul Hamid. Il y demeure jusqu'au 26 novembre, part pour l'Allemagne par voie ferrée et arrive le 2 décembre à Cassel où il est démobilisé.
Le 6 décembre 1919, il célèbre dans sa famille son 70e anniversaire, et reçoit à cette occasion de l'empereur une lettre élogieuse.
L'APRES-GUERRE ET LE III REICH
Dès
son retour il se voue farouchement à la revanche, par son allocution enflammée
à l'escadron qui lui rend les honneurs, ensuite par une action continue.
Il travaille ardemment au relèvement de la force allemande dans le cadre imposé
par les alliés mais dans les traditions et les disciplines de la vieille armée,
dont il pense et dit qu'elle fut la plus fière de tous les temps. Au fond de
son cœur, il la croit invaincue par les armes : 'In Felde unbessiegt' (invaincue
en campagne).
Pour lui comme pour beaucoup d'autres, Hitler est l'homme qui a réconcilié le
peuple allemand et son armée. Il a sans doute tenu pour symbolique la poignée
de main du vieux maréchal Hindenburg au caporal bohémien au jour de l'armée
allemande à Potsdam, évoquant celle, en 1806, du colonel Gneisenau et du brasseur
Netelbeck sur les remparts de Kolberg.
Mackensen a participé activement aux cérémonies patriotiques et militaires de la jeune armée du nouveau régime, forgée par son ancien chef d'E.M. von Seeckt.
Selon les circonstances et le cérémonial compliqué fixé par Guillaume II, il parait revêtu de ses diverses tenues noires, ou feldgrau, de Hussard noir ou de Feld marschall avec le colback de parade ou de campagne, la casquette, le casque à pointe ou le casque d'acier.Sa silhouette élancée, sa vivacité toujours vigoureuse est devenue très populaire.
Hitler encourage les activités représentatives du vieux soldat, où il ne peut manquer de voir la caution d'une des plus hautes autorités morales du monde militaire. Il multiplie les courtoisies : don d'un domaine, et surtout du rang de chef du 5e Rgt. de Cavalerie à Stolp, héritier des traditions de la brigade des Hussards du Ier et IIe Hussards noirs qu'il avait commandés autrefois.Il y vint dans la grande tenue de General à la Suite du ler Leib Hussaren , et réalise ainsi dans sa personne à la tête du corps auquel il est lié depuis son entrée au service 66 ans plus tôt, l'union de l'ancienne armée impériale et de la Reischwehr.
Comme il avait assisté à l'ascension de la Prusse, il assiste à celle du III Reich, à l'occupation de la Rhénanie, de l'Autriche, de la Bohème, aux victoires de Pologne et de France, puis à la mort de guillaume II, l'exilé de Doorn dont il fut l'aide de Camp et le fidèle soldat.
Le maréchal a tenu à assister aux funérailles de l'empereur, le 5 mai 1941. Ils seront trois colonels des Hussards noirs à suivre la dépouille de celui qui en arborait si fièrement l'uniforme. La princesse Victoria-Luise en voile de deuil, et dans la tenue de campagne du régiment le Kronprinz et Mackensen.
Celui-ci porte la croix de l'ordre "Pour le Mérite", et à côté des insignes des plus hautes décorations, la croix de fer reçue en France en 1870.
Une compagnie d'honneur de chacune des trois armées de Terre, de Mer, de l'Air rendirent les honneurs. Le vieillard éleva solennellement son bâton de maréchal pour un dernier salut au nom de la vieille armée fidèle malgré tout, puis cet homme de 92 ans mit genoux en terre, et refusant toute aide, se releva en s'appuyant sur son sabre.
Soldat il s'était élevé au rythme du jeune empire dans l'éclat du Kaiserzeit, de la patrie unie et exaltée par la victoire. Général, il avait connu l'enivrement du triomphe de Tannenberg dû à l'excellent entraînement, au moral élevé et à la conduite des troupes qu'il avait formées et menées. Ses victoires sur le front russe, la Serbie, la Roumanie suivie d'un proconsulat prestigieux sur la nation vaincue, l'avaient mal préparé à la défaite, à la fuite de l'empereur, à la terrible crise d'après guerre.
De nouveau, il vivait une apothéose dont son chef suprême avait avant de mourir, mesuré la fragilité.
Et puis il éprouve le tour tragique des opérations à l'Est, où son fils aîné mène un corps blindé, la disgrâce de son autre fils, l'ambassadeur joué par le roi d'Italie qui renverse le Duce et change de camp, le reflux des armées nazies, de la Volga à la Vistule, à l'Oder, à Berlin et enfin l'écrasement de l'Allemagne dont toutes les armées sont désarmées et prisonnières, tout le territoire occupé. Lui-même à 95 ans est emporté par la débâcle dans le flot des réfugiés.
Rien ne lui est épargné, il doit boire jusqu'à la lie la coupe d'amertume, payer pour cette apocalypse qui s'inscrit entre la prophétie de Clausewitz : 'Il n'y a pas de bornes à l'avènement de la violence' ; que nous voyons se réaliser.
A l'aveu désespéré du Maréchal von Blomberg 'Ma carrière de soldat s'achève par une complète et définitive banqueroute …………. Aux heures de grâce, je crois deviner que le nationalisme dégénéré des dernières décades, va disparaître dans la fange et le feu. …………. Un nouvel humanisme va venir sur notre monde, au milieu de cruelles douleurs. Nous avons parcouru la route qui de l'humanisme, conduit à la bestialité en passant par le nationalisme".
Tout ceci est bel et bien, mais tant que l'humanité n'aura pas trouvé son équilibre dans un idéal commun, n'oublions pas que plus on s'éloigne de la dernière guerre, plus on se rapproche de la prochaine.
colonel Bernard DRUENE (1979)
Note (1) LES FILS DU MARECHAL :
Hans Georges von Mackensen, né à Berlin en 1883, entra dans la carrière diplomatique après la première guerre mondiale. Chargé d'Affaires en Albanie en 1929, Ministre Plénipotentiaire à Budapest où son père a laissé des amis, bien vu par Hitler, il reçoit, en 1937, la charge de Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères. En avril 1938, aux beaux jours du rapprochement nazi-fasciste, il devient Ambassadeur à Rome et prend part aux négociations du pacte d'acier. Il resta en fonction après la chute de Mussolini. Relevé de ses fonctions, il se retira et mourut en Suisse en 1947.
Le Général Eberhard von Mackensen mena en Russie, en 1941, les 13me et 14me Divisions Cuirassées et les éléments blindés de l'Armée Kleist. Engagé en Italie en janvier 1944, il ne réussit pas à chasser les alliés de la tête de pont d'Anzio puis fut contraint de se retirer et d'évacuer Rome et enfin à céder son commandement le 6 juin 1944.